Abram ZEJGMAN
Abram ZEJGMAN naît à Radom, Voïvodie de Mazovie, en Pologne, le 22 avril 1895. Son père, Gershon Zeigman était né le 24 mars 1857 à Kazimierz Dolny, commerçant de profession, sa mère, Soura , née Vanlouguerl, était née le 8 septembre 1856 à Białobrzegi. Abram est le cinquième d’une fratrie de six enfants.
L’aîné, David, naît le 15 mars 1880 puis viennent au monde Israël, en 1884, Zycio, en 1890, Nékha Liba en 1892, et Chana Laya le 27 avril 1898.
La famille Zejgman vit à Radom où les enfants se marient. David a quatre enfants, Israël en a huit avec Chana née Naftarnik ( ?), Zycio trois avec Chaja ( ?). La famille, à l’exception de David, vit dans une maison commune à Radom .
En 1920, Abram a 25 ans, nous ignorons tout de sa formation et de ses études, ses seules langues devaient être le polonais et le yiddish, et il décide de quitter Radom et la Pologne, avec un ami , sans doute pour découvrir le monde. Peu de temps avant son départ, il rencontre Mirla Gal à un mariage à Lodz, elle a 16 ans et ils entretiennent une correspondance, pendant le périple des deux amis.
La première étape de ce périple est Budapest, où ils vont faire « le coup de poing » contre des fascistes, avec les mouvements ouvriers locaux . Ils sont arrêtés à Budapest, mis en détention et expulsés à leur libération. Les deux amis partent alors pour Paris, où ils arrivent sans doute dans l’année 1920. On ne sait pas ce qu’il est advenu de l’ami d’Abram.
Abram s’établit Boulevard de la Villette, à Belleville où il occupe un appartement d’une pièce, il gagne sa vie comme ouvrier coupeur de cuir dans une fabrique de chaussures.
Mirla, qui a fait des études jusqu’au brevet, et était née dans une famille de petits entrepreneurs de Lodz décide, à 18 ans, de partir rejoindre Abram à Paris. Ils se marient (?) religieusement, sans doute dans une petite synagogue de Belleville. Une petite Rosa naît en 1925 d’Abram et Mirla, puis en avril 1927 Georges naît dans une salle commune de l’hôpital St Louis. Après l’accouchement, une voisine de lit, d’origine française, dans la salle de l’hôpital en entendant l’histoire de Mirla et en apprenant qu’elle n’était pas mariée civilement lui lance : « Y va t’laisser tomber ! ».
A la sortie de l’hôpital, Rosa, la fille aînée meurt à l’âge de deux ans (cause inconnue). Mirla, n’ayant pas oublié l’anecdote de St Louis, obtient qu’Abram l’épouse devant le maire du 10° arrondissement.
En 1926 Renée indique qu’est créée la société française d’entraide des amis de Radom, qui est une des plus importantes sociétés d’entraide juive de l’époque. Une photo avant-guerre, vers 1927, d’un banquet de cette association montre une assemblée nombreuse.
Charles naît en 1929 (à vérifier), mais il décède deux ans plus tard (cause ?)
Simon naît le 9 mars 1931, à Paris, sans doute à l’hôpital Rotschild
Abram et Mirla acquièrent la nationalité française le 4 mai 1934 (cf photos)
Cécile naît le 7 novembre 1937 au même hôpital.
Avec l’agrandissement de la famille, dès le premier enfant, Abram et Mirla ont déménagé et quitté leur pièce commune du 6° étage pour un appartement au rez-de-chaussée donnant dans la cour du même immeuble. Il y avait l’eau courante, le gaz et les toilettes dans la cour.
En 1939, après la déclaration de guerre, Abram s’engage comme volontaire. Sa fille Renée possède une photo de lui en 1939, en tenue militaire, avec un calot sur lequel est cousu un triangle de tissu marqué du nombre 22 (s’agit-il du 22 bataillon de chasseurs alpins ? d’autres photos en paysage de montagne peuvent le laisser penser).
Abram est rapidement démobilisé comme chargé de famille.
En 1941, sans doute vers l’été, Abram part pour Lyon, en zone libre où il rejoint des « amis de Radom » notamment Mr Weisberg avec qui il logera, plusieurs mois, jusqu’à l’arrivée de l’épouse et de la fille de celui-ci. Entre-temps, Georges, son fils aîné le rejoint clandestinement, après un détour par Bordeaux, pour franchir la ligne de démarcation (pour ce faire il intègre un petit groupe qui s’en remet à un passeur véreux qui les reconduira au point de départ – mais la nuit suivante il parviendra à franchir la ligne). Abram retrouve un travail dans la coupe en chaussure et il continue à gagner ainsi la vie de la famille.
En 1942, alertée par les rafles qui ont déjà commencé à Paris, Mirla, accompagnée de Simon, 9 ans et Cécile, 5 ans, traverse la Loire et la ligne de démarcation en franchissant le Cher à gué avec grande difficulté.
La famille se réunit dans un appartement au premier étage d’une maison appartenant à Madame Papillon, 2 rue Bournes, Lyon 4, dans le quartier de la Croix-Rousse. Cette propriétaire avait une famille nombreuse et était pétainiste, mais acceptait de louer à des Juifs sans leur causer de tort. Abram et Mirla pendant leur séjour là hébergeront clandestinement des Juifs étrangers sans papier.
Abram et Mirla étaient amis avec un Monsieur Collier qui présentait la particularité d’être commissaire de police à Lyon. Par amitié pour eux il fit de vrais-faux papiers pour Abram et son fils Georges (à 15 ans il devait avoir des papiers personnels).
Au moment de Pâque 1943, Simon, 12 ans et Georges, 16 ans, prennent le train pour Aix-les-Bains, pour rendre visite à des amis. Ils ont dans leurs bagages un paquet de pain Azyme, emballé dans du papier journal, Georges lit un livre en anglais, quand des Allemands passent pour contrôler les passagers ; ils voient le livre en anglais et demandent les papiers, Georges présente sa carte d’étudiant et cela passe sans fouille.
A une autre occasion, en voyage, Georges oublie sa vraie-fausse carte au guichet et Mr Collier la récupérera après avoir vu une annonce parue sur le journal indiquant que le jeune Georges XXXX (le nom de la vraie fausse carte d’identité ne nous est pas connu) avait perdu sa carte.
En août 1943, Mirla étant enceinte de sept mois et demi, prend le train avec Cécile pour la laisser à Aix-les-Bains. Elles sont arrêtées par la Gestapo, emmenées à l’hôtel Terminus de Perrache, Mirla est mise nue et interrogée pendant 24 heures dans ces locaux. Un vieux militaire allemand passe, voit Cécile, 6 ans avec ses cheveux blonds et ses grands yeux verts et il dit aux Gestapistes : « qu’est-ce que vous leur voulez, ce n’est pas la femme que l’on recherche, laissez-la partir ».
Les Allemands remettent Mirla et Cécile dans une voiture pour les ramener à la Croix-Rousse, mais le chemin est long et Mirla, sachant la présence de clandestins dans l’appartement, demandera à descendre avec Cécile, dans la rue, à proximité et ils la relâcheront. Mirla prise de panique, retrouve à grand peine le chemin de la maison. Quelques jours après, elle accouchera sans bruit de Renée, le 26 août à une heure du matin.
Georges ira la déclarer en mairie, sous son vrai nom de Renée Zejgman.
Abram continue à travailler et Mirla est très angoissée. Le 4 juillet 1944, Abram est arrêté, sur dénonciation (sans que l’on sache le motif) par la milice française sur le quai du tramway. Il est interné à la prison de Montluc dans la baraque des Juifs et le 21 juillet, il est transféré à Drancy.
Juste après son arrestation, un ami qui a vu la scène, fait prévenir Mirla, à son domicile, pour qu’elle disperse la famille et se cache. Mirla prendra Georges avec elle et ira à la prison de Montluc pour tenter, en vain, de faire sortir Abram.
Simon sera placé à Décines auprès d’amis de la famille, Cécile dans un couvent de bonnes sœurs et Renée chez une nourrice.
Abram part le 31 juillet 1944 dans le convoi n°77.
Au retour des déportés, pas de nouvelles d’Abram. Un jour, cependant, un déporté de ce convoi, dont le nom ne fut pas noté, sonna à la porte pour annoncer à son épouse qu’il avait vu Abram nu et enchaîné pendant le transport, puis dirigé directement vers la chambre à gaz à l’arrivée.
Le dernier écho que sa fille Renée aura sur lui a été écrit par Jérôme Scorin (voir sa biographie sous le nom de Jérôme SKORKA), dans son livre « Itinéraire d’un enfant juif de 1939 à 1945 », page 128 :
…Au moment d’un arrêt du train, Jérôme est désigné pour tirer de l’eau. « Je me retourne pour revenir à mon wagon, la vision qui s’offre à moi me stupéfie : plus de 60 hommes entièrement nus, enchaînés les uns aux autres, sont dirigés sous bonne garde vers le dernier wagon du convoi. Ils sont presque tous originaires d’Afrique du Nord, surpris dans leur tentative d’évasion, ils ont été la cause des contrôles de la nuit précédente, nous ne les avons jamais revus ».
Des six enfants de la famille Zeigman de Radom, ne survivront à la guerre qu’ Israël et sa sœur Chana Laya qui émigreront et s’installeront à New York.
De sa propre famille, sa femme et ses quatre enfants survivront à la guerre, dont Renée, sa fille, auteure de cette biographie.
Merci à vous pour votre formidable travail de mémoire et merci à ma cousine Renée que j’embrasse bien affectueusement.
Jean-Michel ZEJGMAN